L’expression est, je crois, d’Henry Miller. Alors j’y suis allé, au Musée de la Civilisation (http://www.mcq.org). À Québec. Une aubaine! Dix dollars la journée, pour contempler huit expositions. J’en aurai fait quatre, faute de temps quand on le prend vraiment.
DRAGONS : ENTRE SCIENCE ET FICTION
Quatre expositions donc, à commencer par celle des dragons – de loin, mais surtout de près, la plus savoureuse. Fruit hybride du Muséum national d’histoire naturelle de France et du Département de la Moselle (France), l’exposition présente brillamment les milles et une facettes du dragon et ce, d’autant de manières différentes. Car ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est la grande diversité de la collection. C’est ainsi qu’on découvre la bête légendaire à travers, outre les jeux vidéo interactifs, une série d’œuvres littérales, picturales, sculpturales, architecturales…Monumental!
DRAGONS : ENTRE SCIENCE ET FICTION
Quatre expositions donc, à commencer par celle des dragons – de loin, mais surtout de près, la plus savoureuse. Fruit hybride du Muséum national d’histoire naturelle de France et du Département de la Moselle (France), l’exposition présente brillamment les milles et une facettes du dragon et ce, d’autant de manières différentes. Car ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est la grande diversité de la collection. C’est ainsi qu’on découvre la bête légendaire à travers, outre les jeux vidéo interactifs, une série d’œuvres littérales, picturales, sculpturales, architecturales…Monumental!
Au cœur de la première salle, un globe terrestre tournoie lentement sur son axe, avec en relief les diverses représentations du dragon, selon époques et continents. Naga, par exemple, dragon féminin et indonésien du IVe siècle de notre ère : avec son corps de serpent et son visage souriant, elle assumait surtout un rôle protecteur. Comme quoi le dragon n’est pas que symbole du Mal tel que perçu et dépeint par le Christianisme. Pour les férus de Jésus, le dragon serait en fait un ange déchu, un serpent ancien, l’incarnation du diable, vedette du Livre de l’Apocalypse « qui égare ses victimes pour mieux les engloutir. »
Autant se ressaisir. Sur la gauche, à côté de l’écran techno-tactile qui dévoile la constellation du Dragon, une sombre peinture qu’on jurerait – au premier coup d’œil – de Goya. En y regardant de plus près, ça se précise : c’est un Salvator Rosa (1615-1673), splendide, intitulé « Jason charmant le dragon. » Pour récupérer son trône, le premier ramène au roi la toison d’or gardée par ce dernier, archétype du pouvoir et de la richesse. Au sortir de cette fascinante aventure mythologique, on s’y croirait pourtant toujours.
Pas étonnant! Plus loin devant, repose paisiblement un impressionnant (moulage de) crâne de Tyrannosaure, les vestiges du Jurassique ayant longtemps alimenté le mythe des dragons. Car le dragon, c’est un peu cela, en fait : un grand reptile, genre crocodile, à gueule et queue puissantes, certaines variétés étant même dotées d’ailes. Pour sa part, le naturaliste suisse Conrad Guessner (1516-1565) répartissait les dragons en trois catégories : les serpents géants de l’antiquité, les serpents ailés (du Moyen Âge?), et les « véritables dragons, dont certains spécimens auraient survécus dans les montagnes. » De quoi faire rêver.
Comme cette suite de toiles lumineuses, reproductions numériques des œuvres de Jacques Lamontagne, ou, mieux encore, les tableaux modernes et combien colorés de Christian Duguay (1957- ), dont son « Baptême de l’air » (2006?), acrylique sur toile révélant une délicieuse femelle dragon volant en direction de son homme et son enfant – tous deux dragons! – juchés au sommet d’une falaise…
L’exposition se poursuit, et donne aussi des ailes, avec tout ce qu’il faut pour à la fois maintenir et démystifier le mythe : mobiliers et décorations – table et chaises en bois massif, lustre et chandeliers en fer forgé, tous ornés de dragons finement ciselés –, surtout d’Asie, mais aussi d’Europe, chaque pièce rivalisant d’extravagance dans ses formes, ses couleurs, ses dimensions…démesurées. Au détour d’une autre salle, un dragon de soie, chinois, symbole de renaissance en Asie; j’apprends d’ailleurs que le nouvel an chinois arrive avec le printemps.
De là, direction l’Italie. Sous verre, deux splendides pièces de guerre, ayant probablement appartenues à de hauts gradés militaires: une bourguignotte (casque, 19e siècle) et une rapière (arme, 17e siècle), toutes deux ornées d’un superbe dragon élancé protégeant celui qui en porte l’effigie. Et quoi encore? Des étoffes, broderies, tapisseries, pour le conquérant de retour au palais, et les sculptures architecturales d’Henry Beaumont pour en garder l’accès : notamment, son « Griffon » de 1888 en grès rouge, « ce lion ailé à tête d’aigle qui symbolise la double nature de l’humain où s’affrontent les forces du bien et du mal. »
Le dragon, donc : mythe ou réalité? Si les preuves scientifiques ne peuvent confirmer l’existence de ces brûlantes légendes, on préférera toujours continuer de rêver. Rêver qu’ils ont déjà foulé l’air, le sol et les mers de notre planète ou, mieux encore, qu’ils survivent bel et bien, ici et aujourd’hui, quelque part à l’abri des regards indiscrets. Heureusement d’ailleurs. Car à voir comment l’homme « moderne et civilisé » (mal) traite les siens, autant se tenir peinard, sans quoi, c’est l’extinction à coup sûr.
NOUS, LES PREMIÈRES NATIONS
Après les dragons, direction Premières Nations. Rien d’une fiction. Une réalité, magique, tragique, historique, bourrée de frictions. Ce qui s’explique : « L’inconnu effraie autant qu’il intrigue. »
On en aura mis du temps pour reconnaître qu’ils Sont. Encore plus pour connaître Qui ils Sont. Car les autochtones, d’ici et d’ailleurs, ont bien faillis y passer, y rester…Mais ils ont su vivre, ont survécu, comme en témoigne l’exposition permanente qui leur est consacrée, intitulée « Nous, les Premières Nations. »
Parce qu’il n’y en n’a pas qu’une, « première nation », mais bien onze! Et on les connaît si peu, trop peu. Cris, Hurons, Innus (Montagnais), Inuits, Micmacs, Mohawks, Malécites, Naskapis, Abenakis, Algonquins, Atikamekw; Onze Nations autochtones qui ont encore tant à nous apprendre, à commencer par une philosophie de vie connectée à la nature.
Origines historiques, organisation sociale, techniques de survie, réalisations artistiques, relations à l’autre et à la nature, contribution au développement économique du Québec comme du Canada…Autant des particularités originales occultées par les « brèves médiatiques » qui se résument trop souvent aux « troubles sociaux » et autres accords commerciaux, tous bien réels mais combien réducteurs.
Alors vite, avant que ne s’éteignent, non pas ces Premières Nations, mais bien leurs traditions dont le plus grand défi reste encore aujourd’hui leurs mariages à ce qu’on appelle le « Progrès. » Car avec elles se perpétue un des plus beaux héritages, toujours vivant, de cette fascinante « Conquête » des Amériques et, surtout, de tout ce qui la précédait.
AU PÉROU AVEC TINTIN
Une « Conquête » qui aura fait bien des ravages, comme en témoigne la disparition d’un empire millénaire : celui des Incas. Un empire dont Pizarro son Conquistador s’émerveilla sincèrement…avant de l’achever pour mieux l’anéantir. Cinq siècles plus tard, Tintin en découvre pourtant les vestiges bien vivants.
À travers une riche collection de plus de deux cents objets péruviens, dont la célèbre momie qui inspira le personnage de Rascar Capac, l’exposition « Au Pérou avec Tintin » tente donc le coup. Cadeau des Musées royaux d’Art et d’Histoire de Belgique et de la Fondation Hergé, elle célèbre non seulement les merveilles historiques et culturelles du petit pays andin, mais également le centenaire de la naissance du père du célèbre reporter belge.
Né le 22 mai 1907 à Bruxelles, Georges Rémi signe ses premiers dessins dès l’âge de dix-sept sous le pseudonyme d’Hergé – ses initiales inversées. À travers vingt-quatre albums, dont « Les sept boules de cristal » et « Le temple du soleil », traduits dans soixante-douze langues, il nous fera voyager de rencontres en aventures sur cinq continents – et la lune… Comme quoi le livre, qui s’inspire et transpire du réel, peu bel et bien nous transporter là où auteur et lecteur ne sont jamais allés…
TOUS CES LIVRES SONT À TOI
Tous ces livres…Encore faut-il vouloir et pouvoir les lire…Notre quatrième et dernière exposition de la journée souligne d’entrée de jeu le rôle de l’Église catholique, certes dans la diffusion littéraire avec les premières bibliothèques publiques, mais aussi dans la répression de nombreux écrits jugés « diffamatoires. » En témoignent la dizaine d’œuvres – à défaut de leur auteur : Diderot, Voltaire, Rousseau, Flaubert, Balzac, Hugo – écrouées derrière les barreaux, comme les « Essais » de Montaigne et le « Tartuffe » de Molière. Sans doute parce que les pieux religieux se sentaient visés jusque dans leur monopole et leur doctrine de la foi.
Mais le temps, et les gens avec, avancent. Au milieu du siècle dernier, « Le refus global » sonne le glas, prélude de la Révolution tranquille qui suivra bientôt. La deuxième section de l’exposition nous emmène donc sur les ailes d’auteurs récents, contemporains, tel Réjean Ducharme, qui résumait si bien en 1966, dans « L’avalée des avalés », ce qu’est le livre : « Un livre est un monde, un monde fait, un monde avec un commencement et une fin. Chaque page est une ville. Chaque ligne est une rue. Chaque mot est une demeure. Mes yeux parcourent la rue, ouvrant chaque porte, pénétrant dans chaque demeure. »
La visite tire à sa fin. Ça donne soif, et faim. À défaut d’une virée au pays des Dragons, des Incas ou des « Indiens » (sic), autant conclure à la Bibliothèque Gabrielle-Roy.