Il y a longtemps que je n’avais pas tant ri. Au cinéma, s’entend. Parce que la vie de tous les jours offre son lot de lieux, de gens et de rencontres cocasses, comiques. Suffit d’y être attentif. Sans doute les cinéastes d’ici et surtout d’ailleurs n’ont-ils pas, dans leur écrasante majorité, cette faculté bien développée. Mais ce n’est pas grave. Au Québec, nous avons nos humoristes, en direct, sur scène. Ça compense largement.
Cette semaine toutefois, je n’avais ni le temps ni le goût du stand up comique. Ni les moyens, d’ailleurs. Faut avouer qu’à vingt, trente, voire quarante dollars le spectacle, aussi savoureux soit-il, on est loin des sorties cinéma, deux, trois, quatre fois moins chères et, trop souvent, moins drôles. Solution? La bibliothèque municipale de Charlesbourg, fraîchement rénovée. Et dans les tiroirs de sa vidéothèque : Chaplin.
Pour un dollar cinquante, « Le Cirque » m’a fait rire. Chaudement, et aux larmes. Mieux : pour la première fois de ma vie, j’ai pu voir – et revoir coup sur coup – mon premier Chaplin en entier. Et, surtout, j’ai redécouvert le septième art. Un cinéma noir et blanc mais tellement coloré, muet mais combien éloquent, d’autant plus avec le génie de Charlot qu’on découvre et devine devant et derrière la caméra.
Fuyant la police pour un crime qu’il n’a pas commis, un vagabond se réfugie dans un cirque dont il deviendra malgré lui la vedette. À travers une avalanche de péripéties dont lui seul connaît le secret, le héro s’amourache d’une acrobate, fille du directeur dictateur, folle d’un équilibriste égocentrique. Le rideau tombe enfin sur le cirque qui reprend sa route et, surtout, sur un Chaplin qui reprend aussi la sienne.
Les scènes se suivent et ne se ressemblent pas. Coincé dans la cage aux lions ou cerné dans la salle aux miroirs, Charlot incarne à merveille la maladresse d’un homme qui cherche précisément à la cacher pour préserver sa dignité. Il pousse la farce encore plus loin lors d’un numéro à la Guillaume Tell : croquant à pleines dents la pomme infestée de vers qui sert de cible, il suggère une…banane à son archer.
Mais la scène cruciale reste celle où Charlot, faux équilibriste, est assailli par un trio de singes. Cette scène, reprise sept cents fois (!), est d’ailleurs à l’origine du film. L’idée consiste à plonger le personnage dans une situation d’où il voudrait sortir sans toutefois y parvenir. Nous sommes ainsi amenés à chevaucher le drôle et le dramatique, technique favorite de Chaplin qui rappelle sa vie : sur la corde raide…
Étrangement, « Le Cirque », primé du premier Academy Award (1929), reste le plus sous-évalué des films de Chaplin. Y compris par l’auteur–réalisateur lui-même, qui ne le mentionne guère dans son autobiographie. Sans doute les innombrables fléaux qui s’abattirent sur le tournage expliquent-ils, en partie du moins, ce silence : divorce tumultueux de Charlot, problèmes techniques, vol des décors, incendie des studios.
Malgré ces déboires, le film sera présenté en grande première, à New–York, dès 1928, après deux années de tournage. La critique frileuse ne découragera pas les spectateurs d’alors, comme d’aujourd’hui, de se régaler devant pareille satire. D’autant qu’un cirque s’avérait tout indiqué pour un acrobate tel que Chaplin. Signe des temps et, peut-être, du mûrissement, les films engagés (Temps Modernes, Le Dictateur), suivront bientôt.
Né dans les quartiers défavorisés de Londres, fils d’un chanteur et d’une actrice tous deux anglais, Charles Spencer Chaplin, dit Charlie ou Charlot, deviendra rapidement, dès la Première Guerre mondiale, une vedette internationale. Plus que sa démarche distinctive style pingouin, son chapeau trop étroit et ses vêtements trop amples, sa canne de bambou et, surtout, ses mimiques tragi-comiques, c’est son génie d’auteur-réalisateur qui fera de lui un monument vivant, une inspiration pour les générations suivantes.
Certes, le pantomime, « moyen universel de communication », exprimait plus et mieux que les mots, mais c’est sa méthode de travail souple et créative qui porta le plus de fruits. À partir d’une simple idée de départ, inspirée de la réalité, il improvisait la suite en y ajoutant gags sur gags, en bonifiant l’histoire en cours de route, en multipliant les prises de vues, le tout avec une obsession de la perfection qui ne se dément pas dans le produit fini. Selon ses propres mots, il écrivait avec une caméra. Et comme disait Gilles Vigneault à propos de Marc Favreau, le Père de Sol le clown clochard : « Il a fait un cirque de lui-même. »
Cette semaine toutefois, je n’avais ni le temps ni le goût du stand up comique. Ni les moyens, d’ailleurs. Faut avouer qu’à vingt, trente, voire quarante dollars le spectacle, aussi savoureux soit-il, on est loin des sorties cinéma, deux, trois, quatre fois moins chères et, trop souvent, moins drôles. Solution? La bibliothèque municipale de Charlesbourg, fraîchement rénovée. Et dans les tiroirs de sa vidéothèque : Chaplin.
Pour un dollar cinquante, « Le Cirque » m’a fait rire. Chaudement, et aux larmes. Mieux : pour la première fois de ma vie, j’ai pu voir – et revoir coup sur coup – mon premier Chaplin en entier. Et, surtout, j’ai redécouvert le septième art. Un cinéma noir et blanc mais tellement coloré, muet mais combien éloquent, d’autant plus avec le génie de Charlot qu’on découvre et devine devant et derrière la caméra.
Fuyant la police pour un crime qu’il n’a pas commis, un vagabond se réfugie dans un cirque dont il deviendra malgré lui la vedette. À travers une avalanche de péripéties dont lui seul connaît le secret, le héro s’amourache d’une acrobate, fille du directeur dictateur, folle d’un équilibriste égocentrique. Le rideau tombe enfin sur le cirque qui reprend sa route et, surtout, sur un Chaplin qui reprend aussi la sienne.
Les scènes se suivent et ne se ressemblent pas. Coincé dans la cage aux lions ou cerné dans la salle aux miroirs, Charlot incarne à merveille la maladresse d’un homme qui cherche précisément à la cacher pour préserver sa dignité. Il pousse la farce encore plus loin lors d’un numéro à la Guillaume Tell : croquant à pleines dents la pomme infestée de vers qui sert de cible, il suggère une…banane à son archer.
Mais la scène cruciale reste celle où Charlot, faux équilibriste, est assailli par un trio de singes. Cette scène, reprise sept cents fois (!), est d’ailleurs à l’origine du film. L’idée consiste à plonger le personnage dans une situation d’où il voudrait sortir sans toutefois y parvenir. Nous sommes ainsi amenés à chevaucher le drôle et le dramatique, technique favorite de Chaplin qui rappelle sa vie : sur la corde raide…
Étrangement, « Le Cirque », primé du premier Academy Award (1929), reste le plus sous-évalué des films de Chaplin. Y compris par l’auteur–réalisateur lui-même, qui ne le mentionne guère dans son autobiographie. Sans doute les innombrables fléaux qui s’abattirent sur le tournage expliquent-ils, en partie du moins, ce silence : divorce tumultueux de Charlot, problèmes techniques, vol des décors, incendie des studios.
Malgré ces déboires, le film sera présenté en grande première, à New–York, dès 1928, après deux années de tournage. La critique frileuse ne découragera pas les spectateurs d’alors, comme d’aujourd’hui, de se régaler devant pareille satire. D’autant qu’un cirque s’avérait tout indiqué pour un acrobate tel que Chaplin. Signe des temps et, peut-être, du mûrissement, les films engagés (Temps Modernes, Le Dictateur), suivront bientôt.
Né dans les quartiers défavorisés de Londres, fils d’un chanteur et d’une actrice tous deux anglais, Charles Spencer Chaplin, dit Charlie ou Charlot, deviendra rapidement, dès la Première Guerre mondiale, une vedette internationale. Plus que sa démarche distinctive style pingouin, son chapeau trop étroit et ses vêtements trop amples, sa canne de bambou et, surtout, ses mimiques tragi-comiques, c’est son génie d’auteur-réalisateur qui fera de lui un monument vivant, une inspiration pour les générations suivantes.
Certes, le pantomime, « moyen universel de communication », exprimait plus et mieux que les mots, mais c’est sa méthode de travail souple et créative qui porta le plus de fruits. À partir d’une simple idée de départ, inspirée de la réalité, il improvisait la suite en y ajoutant gags sur gags, en bonifiant l’histoire en cours de route, en multipliant les prises de vues, le tout avec une obsession de la perfection qui ne se dément pas dans le produit fini. Selon ses propres mots, il écrivait avec une caméra. Et comme disait Gilles Vigneault à propos de Marc Favreau, le Père de Sol le clown clochard : « Il a fait un cirque de lui-même. »
Voir aussi, surtout:
Les courts de Chaplin, chez Mutual (1916-17)
Charlot Soldat (1918)
L'opinion publique (1923)
La ruée vers l'or (1925)
Le cirque (1928)
Les lumières de la ville (1931)
Les temps modernes (1936)
Le dictateur (1940)
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